La grande famille de tous les GAUDEL |
Henri GAUDEL, Conteur Lorrain
Sur l'ensemble de ce site, un "clic" sur un "Prénom NOM" renvoie à la base de données de la généalogie.
Henri Marie François GAUDEL appartient à la branche de Taintrux.
Je remercie vivement monsieur Pierre LABRUDE, Professeur à la faculté de pharmacie de Nancy, Historien de la pharmacie, auteur de nombreux articles et conférences,
qui nous propose aimablement une biographie aussi passionnante que précise de cet étudiant en pharmacie devenu écrivain.
C'est en accord avec l'auteur, que j'ai intégré quelques images à son texte.
Henri Gaudel (Bruyères, 1879 Bayon,
1954), homme de lettres et conteur
lorrain Pierre
Labrude Les Journées détudes meurthe-et-mosellanes
2012 ont eu lieu à Bayon au Centre culturel Henri
Gaudel. A lissue dimportants travaux de
rénovation de la salle des fêtes et sa transformation
en centre culturel, le nom de cet homme de lettres
lorrain, domicilié à Bayon pendant des décennies, lui
a été attribué par une décision du conseil municipal
en date du 7 décembre 20101. Si, comme il est
normal, plusieurs notices biographiques ont été
consacrées à Henri Gaudel au moment de son décès en
1954 puis ultérieurement2,3,4, et si sa
mémoire perdure heureusement à Bayon au travers de ce
centre, il est sûr que nombre de ses « concitoyens
daujourdhui » ignorent tout de sa vie
et de son uvre. Par ailleurs, si son activité
littéraire est dans lensemble bien connue,
certains aspects de son existence, comme son parcours
inachevé délève en pharmacie à Nancy et ses
années de services militaires en Lorraine, sont presque
toujours succinctement mentionnés, souvent en partie
erronés, voire ignorés. Cette étude a donc pour
objectif de faire redécouvrir la vie, la personnalité
et luvre dHenri Gaudel, sans toutefois
prétendre à lexhaustivité ni à
lexactitude absolue, car les notices et documents
qui le concernent comportent diverses imprécisions et
incohérences parmi lesquelles il nest pas aisé de
se retrouver. La famille dHenri Gaudel
Pour sa part, Emile Nicolas Gaudel est le
fils de Jean-Baptiste Théodore Gaudel, lui aussi natif
de Bruyères, le 7 février 1808, qui y a épousé Marie-Louise
Villemain, native de la localité, le 29 septembre 1819.
Ils se sont mariés à Bruyères le 23 novembre 18406.
Jean-Baptiste Gaudel a poursuivi des études de pharmacie
et sest installé à Bruyères où il est le seul
pharmacien7. Lofficine me semble se
trouver au début de la Grande Rue, à gauche, quand on
se dirige vers la place Stanislas. Le couple a deux fils.
Emile Nicolas, après son baccalauréat,
sengage dans la carrière pharmaceutique et, à
lissue de son stage, sans doute effectué dans la
pharmacie paternelle, sinscrit à lécole
supérieure de pharmacie de Strasbourg8. Les
archives de la faculté de pharmacie de Nancy disposent
dune fiche relative à la scolarité d'Emile à
Strasbourg, où sont mentionnés ses quatre examens de
fin détudes, passés en juillet, août et
décembre 1866, où il est successivement admis avec « indulgence »,
« satisfaction », « sans mention
particulière », et, « avec satisfaction ».
En effet, à cette époque, les notes chiffrées
nexistent pas. Il est reçu pharmacien de première
classe le 22 décembre 18669 et il
sinstalle avec son père à Bruyères. Il est
douteux quil lui succède immédiatement comme
titulaire, et ils exerceront ensemble longtemps comme le
mentionnera plus tard Henri10. Selon le site
internet consacré à la famille11 et la
communication qui men a été faite par M. Gérard
Gaudel, Jean-Baptiste Gaudel est décédé le 18
décembre 1891, ce qui ne me semble pas pouvoir
correspondre à ce quindique Henri sur son
apprentissage à la pharmacie12. Revenons donc
à lui. Les études secondaires et le stage en
pharmacie A lissue de ses études primaires,
très certainement effectuées à Bruyères, Henri Gaudel
suit le cycle des études secondaires classiques chez les
Pères du Saint-Esprit au collège Saint-Joseph
dEpinal, comme il la mentionné dans sa
biographie13. Bachelier de lenseignement
secondaire classique (lettres et philosophie) à Nancy en
1897 comme le précise sa fiche délève à l'école
supérieure de pharmacie de Nancy14, il
entreprend des études de pharmacie. A lépoque, et
comme pour son père, elles comportent, pour le diplôme
de première classe qui nécessite la possession du
baccalauréat, trois années de stage suivies dun
examen de validation, et trois années détudes
dans une école supérieure ou une faculté mixte. Dans le texte publié dans le Bulletin
de lAssociation des anciens étudiants de la
Faculté de pharmacie de Nancy en 1930 et intitulé
« Quand jétais potard
»15,
Henri indique quil a fait son « stage à la
pharmacie paternelle » où il « y avait à ce
moment trois potards, mon grand-père, mon père, et moi,
lapprenti », quun certain client
navait pour ses « dix-sept ans quune
considération très limitée » et quil
demandait toujours à voir « le vieux »,
cest-à-dire son grand-père. Cette scène peut
sêtre passée en 1896, doù lâge
mentionné et le terme dapprenti. Henri n'est en
effet pas officiellement stagiaire en vue du diplôme de
1e classe puisqu'il n'est pas encore bachelier.
Néanmoins, à ce moment, en 1896, cette situation peut
expliquer quHenri a pu passer son examen de
validation à Nancy le 3 novembre 1899. Sa fiche indique
qu'il est reçu avec la mention « passable »,
ce qui est modeste pour un fils de pharmacien, de
surcroît vice-président de la Société de pharmacie
des Vosges
16. Cependant, il est
impossible que cette scène ait eu lieu en présence du
grand-père, c'est-à-dire avant son décès en 1891,
quand Henri avait 12 ans et était trop jeune pour être
stagiaire ! Cela fait partie du roman d'une vie d'homme
de lettres... Le service militaire à Epinal Henri Gaudel interrompt en quelque sorte
ses études de pharmacie le 11 novembre 1899 en
sengageant pour trois années au 149e
régiment dinfanterie dEpinal. Beaucoup d'étudiants
font comme lui. En effet, la loi du 15 juillet 1889 sur
le recrutement de larmée prévoit un service actif
de trois années. Mais celui-ci est réduit à une année,
et même moins, pour de nombreux jeunes gens qui se
trouvent dans certaines situations particulières et pour
les étudiants et les élèves de certaines facultés et
écoles, à condition quils en fassent la demande.
La liste figure dans l'article 23 de la loi et les
études en vue du diplôme de pharmacien de 1e
classe y sont mentionnées. Henri Gaudel est incorporé le même jour,
sans doute à la caserne Courcy de Chantraine. Il est
qualifié de « stagiaire en pharmacie », ce
quil nest plus réellement, bien quil
ne soit pas encore inscrit à lécole de pharmacie.
Dune taille de 1,75 m, il a les cheveux chatain
foncé, les yeux bruns et le visage ovale. Il est « mis
en congé » le 22 juillet 1900, soit au bout de
huit mois, avant son passage dans la réserve, qui a lieu
le 11 novembre 190217. Les études de pharmacie interrompues Henri prend sa première inscription
trimestrielle de 1e année le 7 novembre 1900
et la quatrième le 10 juin 1901, mais il est ajourné
aux examens de fin dannée, tant à la première
session en juillet 1901 quà la seconde en novembre.
Il ne prend pas dautre inscription, et sa fiche
délève mentionne quil « cesse en
novembre » 190218. Il a donc effectué
quatre années détudes sur six et validé trois de
celles-ci. Dans la biographie écrite à
loccasion de sa candidature à lAcadémie
de Stanislas de Nancy en février 192319,
il a mentionné quil avait arrêté ses études en
raison de la mort brutale de son père et de la vente « inévitable »
de la pharmacie. Je ne crois pas complètement à ces
arguments. En effet, son père est décédé le 12
janvier 190420, ce qui a entraîné un
changement de titulaire mentionné par lAnnuaire
des Vosges dans son édition de 1905. Si
Henri avait doublé sa première année immédiatement
après son échec et poursuivi ses études avec succès,
il aurait été diplômé au cours de l'année 1904. Par
ailleurs la pharmacie aurait pu être mise en gérance
pendant les quelques mois nécessaires à l'aboutissement
de ses études. Il lui était enfin loisible
dacquérir une autre pharmacie, dautant que,
pour celle de sa famille, il lui aurait fallu racheter la
part de son frère
Je crois plutôt quHenri ne se
sentait pas attiré par le métier de pharmacien. Ceci
peut expliquer le modeste résultat obtenu à
lexamen de validation de stage pour lequel un fils
et petit-fils de pharmacien se devait, sinon de briller,
du moins dêtre reçu haut la main, ne serait-ce
que pour faire honneur à lofficine familiale et à
la préparation à lexamen dont son père était
responsable
Ceci peut aussi expliquer léchec
aux examens de 1e année. Peut-être avait-il
subi de la part de sa famille une pression, même
inexprimée, qui lavait conduit à sengager
dans cette carrière, ce qui est classique ; peut-être
même en avait-il fait la promesse, ce qui est tout aussi
classique et encore valable de nos jours
En dépit de ce changement majeur
dorientation, Henri Gaudel na pas oublié la
pharmacie, puisque plusieurs décennies plus tard, en
1929-1930, il a répondu favorablement à la demande
denvoi dun texte destiné au bulletin de
lAssociation des anciens étudiants,
exprimée par son ami Léon Thiriet. Il a
aussitôt adhéré à lassociation, et le bulletin
a publié seize de ses histoires et saynettes lorraines21.
Cest plus que Le Pays lorrain... Parmi
ces histoires, trois évoquent la pharmacie et le
médicament. Lune, intitulée « La jaune et
la verte », décrit linterversion
dattribution et dapplication du remède jaune
et du remède vert à son destinataire attendu, et bien
sûr lapparition deffets indésirables
regrettables..., lautre, « La Phrasie a des
chaurées » évoque certains remèdes populaires,
puis la proposition par le pharmacien des célèbres « Pilules
Pink pour personnes pâles
». La troisième
enfin, « Les dragées de Vénus », traite
dun thème éternel, lamour, et de ses
difficultés... Cest certainement pour effectuer
ses études supérieures quHenri sinstalle 33
rue Sainte-Catherine à Nancy en 1900, sans doute en fin
dannée et sans que je puisse être plus précis en
raison de lécriture peu lisible de sa fiche
matricule militaire22. Selon ce document, il
déménage le 21 août 1903 pour le 8 de la rue Sainte-Marie,
l'actuelle rue Victor Prouvé. Il reste à cet
endroit jusquà début de février 1908, moment où
il part pour Paris et où il a pour adresse le 72 de la
rue Claude-Bernard. Il revient en Lorraine et
sinstalle à Bayon, quil ne quittera plus, en
191023. Les débuts de la carrière
littéraire Ayant abandonné la carrière
pharmaceutique, Henri Gaudel se tourne vers les Lettres.
Les notices qui lui sont consacrées indiquent quil
a préparé une licence de lettres à Nancy. Cette
assertion me semble fausse. En effet, dans la biographie
quil a rédigée en vue de son admission à lAcadémie
de Stanislas24, il a seulement indiqué :
« je me suis dirigé vers les lettres ». Il
ne ma pas été possible de trouver son nom parmi
ceux des licenciés, dans les Compte rendus des
séances de rentrée de lUniversité de Nancy depuis
lannée de son baccalauréat jusquen 1920. A
lépoque, au cours de ces séances, le doyen
indique quelle a été lactivité de la faculté
dont il a la charge au cours de lannée
universitaire précédente, et, en particulier, quelle a
été l'importance de la collation des grades. Cette
observation est corroborée par le fait que le dossier
constitué en vue de ladmission dHenri dans
la Légion dhonneur25, ne fait état que
du grade de bachelier ès-lettres. Henri Gaudel devient écrivain, conteur,
également journaliste. Pour connaître
lintégralité de sa production, il faudrait
dépouiller les journaux régionaux et de nombreuses
revues locales, estudiantines et politiques, vosgiennes
et meurthe-et-mosellanes, dont certaines n'ont été
quéphémères. Dans la biographie déjà citée,
il indique des articles de jeunesse dans Bruyères
républicain et dans lUnion démocratique de
Vesoul. Il sagit donc là dune « approche »
du journalisme politique. Il a pu en effet être tenté
par la politique comme en témoigne une dédicace à M.
Abel Ferry, député des Vosges, publiée dans
louvrage Les Vosgiens célèbres26 :
« hommage respectueux dun républicain de
Bruyères ». Il publie aussi des « fantaisies »
- cest lui qui utilise ce mot dans Nancy
universitaire, le bulletin des étudiants, vers 1902,
ainsi que des articles, des contes et des nouvelles à
Nancy dans La Vie lorraine illustrée en 1903, et
dans Scoenia à Malzéville en 1913. Cest au
cours de cette année qui précède la guerre que paraît
son premier roman, Désiré Beaudru. Les activités dans la réserve de
lArmée et la Grande Guerre Henri a sans doute omis de signaler à
ladministration militaire quil n'a pas
poursuivi ses études de pharmacie car son registre
matricule27 mentionne quil est convoqué
au titre des sections dinfirmiers militaires (SIM)
pour les exercices prévus par la loi de 1889. Ces
sections gèrent en effet les personnels non officiers du
Service de santé. La première période à laquelle il
est convoqué pour quatre semaines, a lieu en août et
septembre 1902 dans le cadre de la 7e SIM de
Dole qui administre les personnels du 7e corps
darmée dont dépendent alors les troupes
stationnées dans les Vosges. Les suivantes, dans la
même unité, se déroulent en août et septembre 1905 et
1908. Lorsquil sinstalle à Bayon en 1910, il
est rattaché à la subdivision de Nancy le 5 octobre
1911 et il est pris en compte par la 23e SIM,
unité du 20e corps darmée de Nancy,
mais qui est en garnison à Troyes, qui le convoque pour
un exercice dune semaine, du 27 mai au 4 juin 1914.
Henri Gaudel appartient à larmée
territoriale depuis le 1er octobre 1912 et il
est rappelé à lactivité le 1er août
1914. Arrivé le lendemain à son corps, non précisé
par son répertoire matricule et sans doute la 23e
SIM, vraisemblablement employé comme infirmier ou
brancardier, il passe devant la commission spéciale de
réforme à lhôpital militaire de Toul le 23
octobre 1914 et est placé en position de réforme n° 2,
cest-à-dire sans pension, en raison dune
grave affection squelettique. Il reste néanmoins
maintenu en activité pendant lannée 1915. Il
nest libéré du service militaire que le 10
novembre 1917 et ne se trouve définitivement rayé des
listes que le 11 novembre 1924. La carrière littéraire
Cinq de ces dix ouvrages sont distingués
par des prix28. Désiré Beaudru est
couronné par le Prix du Couarail en 1913 ; Véronique
reçoit le Prix « Stanislas de Guaïta »
de lAcadémie de Stanislas en 192229,30
; Histoires de chez nous, le Prix Erckmann-Chatrian,
« le Goncourt lorrain »31, en 1933
; La Fine est honorée par un prix de lAcadémie
française en 1938 ; et enfin LIrma
reçoit le Prix « Stanislas de Guaïta » de l'Académie
de Stanislas en 1952, cette fois en partage32.
Henri Gaudel est élu en qualité
dassocié-correspondant de lAcadémie de
Stanislas le 16 mars 192333, lannée
qui suit lattribution du Prix « de Guaïta »,
comme cela est souvent le cas pour les lauréats. Son
décès en 1954 est signalé dans sa Table34.
Jai néanmoins été étonné de constater
quil na présenté aucune communication aux
séances de cette compagnie qui la rapidement
distingué et accueilli. Il est également membre de
lAssociation des écrivains lorrains, et son
président est présent lors de sa réception dans la
Légion dhonneur, que jévoquerai plus loin.
Le Pays lorrain accueille ces contes et histoires dans ses pages à partir de 1913 avec Coliche, histoire de chez nous. Puis paraissent successivement La gourde, La folle, La tentation de Jean Cremel, Not Arsène va passer son certificat, La sixième tranche, Avant... et après..., Le poreau, Salut ô mirabelle, On nest pas rgardant, Les mâmiches, Le Coliche a été au dispensaire, Le Batisse veut divorcer, et enfin, en 1954, Le vieux cocher, dune lecture émouvante. Au total, quatorze productions, la plupart très courtes, se trouvent dans notre grande revue régionale et sont signalées dans ses tables36,37,38. Comme déjà indiqué, un nombre assez élevé est adressé au Bulletin de lAssociation des anciens étudiants de la Faculté de pharmacie de Nancy entre 1929 et 1938, lorsquen Henri Gaudel renoue avec la pharmacie et sinscrit à lassociation à laquelle il envoie chaque année une ou plusieurs histoires39. Plusieurs de celles-ci ne figurent pas dans les deux listes précédentes et sont peut-être moins connues ; certaines faisaient sans doute partie de recueils déjà publiés et certaines devaient au contraire encore être inédites. Nombre de ces oeuvres ont été citées dans la notice nécrologique que Le Pays lorrain consacre à Henri à son décès en 195440. Le mot Mirabelle se retrouve à plusieurs reprises. Cest à la fois un poème, Salut ô mirabelle, paru dans Le Pays lorrain en 1936, et la chanson de la Première fête de la mirabelle, à Bayon, la même année. Cliquer pour déguster "Le savarin de la Zébie", nouvelle parue dans le bulletin n° 23 de 1935-1936 des anciens étudiants de la faculté La vie personnelle et professionnelle
Henri sinstalle à Bayon en 1910 et cest dans cette localité quil rencontre sa future épouse, Madame Alice Conus, née Grandjean, veuve de Charles Joseph Conus. Elle réside presque en face de chez lui et a une fille, Christiane, née le 16 février 1907. Christiane Conus portera le nom de son beau-père41. Cest en effet sous le nom de scène Christiane Gaudel quelle effectue sa carrière de cantatrice à L'Opéra-Comique et quelle enregistre sa discographie. Ayant débuté en novembre 1933, elle meurt en 195742. Après leur mariage, célébré à Bayon
le 30 août 191143, Henri et Alice Gaudel
résident dans une belle propriété au 29 rue de la Gare.
Henri y écrit ses ouvrages cependant quAlice donne
des leçons de musique. Dautres activités les
occupent cependant. La propriété abrite un atelier de
dentellerie et de broderie dart44, mais
aussi ma t-on dit, de confection. Henri est,
pendant nombre dannées, correspondant et
rédacteur dans des journaux locaux et régionaux : LIndépendant
de Lunéville et LEst républicain en
particulier. Dautres noms de feuilles auxquelles il
collabore, sans doute essentiellement pour ses oeuvres
littéraires, figurent dans les notices : LEclair
de lEst, LEst illustré, La Revue de
lEcole lorraine, Santé, force et beauté. La
recension complète reste à établir. Les personnages dHenri Gaudel sont
les témoins de la vie et des activités de chaque jour
dans nos villages lorrains dautrefois45,46.
On y trouve tous les gens, les petites gens, dans le bon
sens du mot, ceux dont la vie reste humble,
généralement tranquille et seulement marquée par les
modestes événements de la vie agricole, de la campagne,
du village ou du chef-lieu de canton. La famille, les
problèmes du couple et des enfants, le train de culture,
la guerre qui nest pas si ancienne, la chasse, y
sont présents. Ces thèmes et ces scènes nous
séduisent encore aujourdhui par leur verve et leur
truculence, par leur bon sens et par leur amour de la vie
; ils nous amusent comme le braconnier qui ridiculise les
gendarmes, mais ils nous émeuvent aussi comme Bosco, le
bossu si souvent écarté mais qui se révèle un brave,
ou La Fine que lexistence népargne
pas... Ces personnages et cette oeuvre nous rappellent
ceux dEmile Chenin (Emile Moselly), de Georges
Chepfer et de Fernand Rousselot, le conteur de Lunéville
à la carrière si proche de la sienne. Les activités associatives et « militantes » Henri Gaudel donne beaucoup de son temps
à des activités qui peuvent être qualifiées de
patriotiques, déducatives et, presque, de
politiques. Il est le président de la section cantonale
des Pupilles de la Nation47 et,
dans ce cadre, il accepte la tutelle de pupilles et il en
aide moralement et matériellement dautres48.
Il est aussi délégué cantonal49, et il
préside un moment la délégation. Localement, dans sa
bourgade de Bayon, et dans le contexte de son activité
au profit des écoles, il se dévoue pour la vente des
timbres antituberculeux et fait des dons aux
établissements. Il préside la prévoyance scolaire du
canton et rend des services aux oeuvres post-scolaires.
Il est également membre du bureau de bienfaisance.
Auteur et conférencier, il écrit dans les journaux
républicains50. Cest à tous ces titres et pour
trente-quatre années de services civils et militaires
quil est nommé au grade de chevalier de la Légion
d'honneur en 1933 au titre du ministère de
lEducation nationale. Il est reçu dans
lOrdre le 24 avril, et cest Fernand Rousselot
qui lui remet ses insignes à Bayon51. Au
cours de la même cérémonie, il est proclamé lauréat
de la Société Erckmann-Chatrian pour
lannée 1933, par son président Georges
Sadler. Ses activités lui avaient déjà valu plusieurs
distinctions : officier dAcadémie depuis 1913 et
officier de lInstruction publique depuis 192252,
il avait aussi reçu une lettre de félicitations du
ministère de lInstruction publique et une
plaquette de lOffice national des pupilles53.
Il nest pas impossible quil
soit resté lié à la vie politique, comme dans sa
jeunesse, même si je nen ai pas trouvé mention.
Il est demeuré un républicain54 comme le
montrent ses fonctions de délégué cantonal. Il en
était sans doute de même pour son frère Louis sur
lequel il est intéressant de mentionner quelques
éléments biographiques55. Un peu plus âgé
quHenri puisque né en 1875, il effectue une très
brillante carrière dans la magistrature. Celle-ci le
conduit à la cour dappel de Paris en qualité de
substitut général, davocat général puis de procureur
général de Paris. Au
début du mois de juin 1936, Marc Rucart56,57,
député des Vosges (Epinal), nommé garde des Sceaux et
ministre de la Justice, le choisit comme directeur de
cabinet. Brillant orateur, fin lettré et historien de la
Révolution, Louis Gaudel meurt à Paris le 10 février
1937. Dune santé délicate, malade et
voûté, Henri Gaudel décède à Bayon le 14 juillet
1954, à lâge cependant respectable de soixante-quinze
ans. Conclusion Henri Gaudel laisse le souvenir dun
homme de lettres, dun romancier et dun
conteur qui a su observer puis décrire avec talent
lexistence des humbles de notre terroir lorrain.
Son oeuvre a la même saveur que celle de son ami Fernand
Rousselot, et, en dépit des années, la lire ou
lentendre continue à ravir et à émouvoir ceux
qui ont connu nos campagnes dautrefois et la vie
simple et paisible, mais pas toujours facile, qui
sy déroulait. Il laisse aussi le souvenir
dun homme qui a porté une grande attention aux
autres, aux humbles et aux enfants, et qui sest
largement dévoué pour eux. Cest considérable.
Bibliographie et notes 1 - Le Journal des Bayonnais, revue
municipale, 2011, n° 11 (janvier), p. 4 (délibération
du Conseil municipal) et 11 (biographie dH. Gaudel,
notice nécrologique parue dans Le Pays lorrain
en 1954). 2 - M. Toussaint, « Henri Gaudel »,
notice nécrologique, Le Pays lorrain, 1954, 35e
année, vol. 12, n° 1, p. 154. 3 - H. Tribout de Morembert, « Gaudel
Henri », Dictionnaire de biographie française, 1982,
vol. 15, colonne 697, n° 2. 4 - A. Ronsin, « Gaudel Henri »,
Les Vosgiens célèbres, Dictionnaire biographique
illustré (ouvrage collectif sous la direction
dAlbert Ronsin), Editions Gérard Louis, Vagney,
1990, p. 157-158. Louis Gaudel, frère dHenri, fait
lobjet à cette dernière page dune
monographie rédigée par P. Heili. 5 - https://genealogie-gaudel.pagesperso-orange.fr (La grande famille de tous les
Gaudel). Consulté le 30 septembre 2012. 6 - http://genealogie.gaudel.pagesperso-orange.fr/personne1479.htm
(Descendants
et apparentés de Nicolas et Georges Gaudel de Taintrux).
Consulté le 30 septembre 2012. 7 - H. Gaudel « Quand jétais
potard
», Bulletin de lAssociation
des anciens étudiants de la Faculté de pharmacie de
Nancy, 1929-1930, n° 17, p. 62-64. 8 - Dans lEst de notre pays à
cette époque, il ny a quune seule école de
pharmacie permettant la poursuite détudes en vue
du diplôme de 1e classe. Située à
Strasbourg, elle est transférée à Nancy en 1872 avec
une partie de ses professeurs et ses archives. Certaines
pièces sont restées à Nancy en 1919 quand
lécole de Strasbourg a été reconstituée. 9 - Archives de la faculté de pharmacie
de Nancy. En 1929 ou 1930, Henri Gaudel a offert au
musée de la faculté de Nancy deux diplômes de
pharmacien datant, lun de 1836 et lautre de
1867, et provenant de lécole de pharmacie de
Strasbourg. Il sagit très vraisemblablement de
celui de son grand-père et de celui de son père. Ceci
permet de penser que le grand-père dH. Gaudel a
été diplômé de Strasbourg en 1835 (Bulletin de
lAssociation des anciens étudiants de la Faculté
de pharmacie de Nancy, 1929-1930, n° 17, p. 20). Cest au moment de ce don quH.
Gaudel adhère à lassociation dont le bulletin
paraît jusquau numéro 25 en 1938. Son nom figure
parmi ses membres dans tous les bulletins de ces années.
Bien que nétant pas diplômé, il est inscrit dans
la promotion 1899, lannée où il a été reçu à
lexamen de validation de stage. Au tout début du XIXe siècle,
un pharmacien du nom de Gaudel exerce à Epinal. Il
sagit peut-être dun membre de la famille (Archives
du musée de la faculté de médecine de Nancy, document
156-8903). 10 - H. Gaudel, « Quand
jétais potard... », référence 7. 11 - Généalogie Gaudel, référence 6. 12 - H. Gaudel, « Quand
jétais potard... », référence 7. 13 - Dossier dadmission
dHenri Gaudel, archives de lAcadémie de
Stanislas, Nancy, 1923. 14 - Archives de la Faculté de pharmacie
de Nancy. 15 - H. Gaudel, « Quand
jétais potard... », référence 7. 16 - Dossier dadmission à lAcadémie
de Stanislas, référence 13. 17 - Archives des Vosges, 1 R 1503, n°
1362, registre matricule dHenri Gaudel, 1899-1927 (classe
1899, bureau de recrutement dEpinal). 18 - Fiche délève dHenri
Gaudel, référence 14. 19 - Dossier dadmission à lAcadémie
de Stanislas, référence 13. 20 - Communication de M. Gérard Gaudel,
16 juillet 2016. 21 - Bulletin de lAssociation
des anciens étudiants de la Faculté de pharmacie de
Nancy, du numéro 19, 1931-1932, au numéro 25, 1937-1938
: La jaune et la verte ; Euzébie, ma bonne amie ; La
Phrasie a des chaurées ; Un pur ; Lhéritage
de l« onque » Victor ; Batisse et
Batisse ; Les dragées de Vénus ; Le phonographe ;
NotArsène va passer son certificat ; Le savarin de
la Zélie ; La mauvaise dent du Nénesse ; La
sixième tranche ; Le Coliche a été au dispensaire
; Le Batisse veut divorcer ; Sa voix ; Le vieux cocher ;
Salut ô mirabelle. 22 - Registre matricule, référence 17. 23 - Dossier dadmission à lAcadémie
de Stanislas, référence 13. 24 - Dossier dadmission...,
référence 13. 25 - « Léonore », base de
données sur les titulaires de la Légion dhonneur,
dossier de proposition dH. Gaudel pour le grade de
chevalier, 1933, 10 pièces. Archives nationales, site de
Fontainebleau, cote 19800035/71/8766. Disponible en ligne. 26 - A. Ronsin, Les Vosgiens
célèbres..., référence 4. 27 - Registre matricule, référence 17. 28 - http ://www.mairie-bayon.fr/gaudel.html
(Biographie dHenri Gaudel). Consulté le 30
septembre 2012. 29 - P. dArbois de Jubainville, Table
alphabétique des publications de lAcadémie de
Stanislas (1901-1950), Nancy, imprimerie Georges
Thomas, 1952, p. 47. 30 - B. Estève, rapport sur le prix
Stanislas de Guaïta, séance publique du 24 décembre
1922, Académie de Stanislas, Mémoires de
lAcadémie de Stanislas, 1922-1923, 6e
série, vol. 20, p. XLII-LII. 31 - Le Prix Erckmann-Chatrian est,
avec le Prix Goncourt, le plus ancien des
prix littéraires actuellement décernés et il
est souvent appelé le « Goncourt lorrain ».
Sa première attribution date de 1925. Son histoire,
depuis le 17 juillet 1913, est disponible en ligne (ecrivosges.com/prixconcours/erckmann.php). 32 - J. Tommy-Martin et J.-C. Bonnefont, Table
alphabétique des publications de lAcadémie de
Stanislas (1950-2000), imprimerie municipale, Nancy,
2003, p. 77. 33 - P. dArbois de Jubainville, Table
alphabétique..., référence 29. 34 - J. Tommy-Martin et J.-C. Bonnefont, Table
alphabétique..., référence 32. 35 - Site internet de la mairie de Bayon,
référence 28. 36 - C. Sadoul, Le Pays lorrain, Table
alphabétique générale, Editions du Pays lorrain,
Nancy, 1929, p. 31. 37 - Le Pays lorrain, Table
alphabétique générale 1929-1989, volumes 21-70, Société
darchéologie lorraine et du Musée lorrain, Nancy,
numéro hors série, 1990, vol. 71, p. 36. 38 - C. Sadoul et R. Cuénot, Le Pays
lorrain, Table alphabétique générale 1904-2000, Société
dhistoire de la Lorraine et du Musée lorrain,
Nancy, 2002, p. 60. 39 - Bulletin de lAssociation
des anciens étudiants..., référence 21. 40 - M. Toussaint, Le Pays lorrain, référence
2. 41 - Communication personnelle de
Monsieur André Brenon, de Bayon, à qui jexprime
ma vive gratitude pour les nombreuses informations
quil ma très aimablement communiquées en
octobre, novembre et décembre 2012. 42 - Généalogie Gaudel, référence 6. 43 - Communication personnelle de
Monsieur André Brenon. 44 - Annuaire de Lorraine, Guide du
commerçant, de lindustriel et du voyageur, Meurthe-et-Moselle,
1929, imprimerie Humblot et Cie, Nancy, 1929, p. 1115.
45 - M. Toussaint, Le Pays lorrain, référence
2. 46 - M. Caffier, « Gaudel (Henri) »,
Dictionnaire des littératures de Lorraine, Editions
Serpenoise, Metz, 2003, vol. 1., p. 417-418. 47 - Dossier dadmission à lAcadémie
de Stanislas, référence 13. 48 « Léonore »,
référence 25. 49 - La fonction de délégué cantonal
est créée par la loi Goblet du 30 octobre 1886. Un
délégué au moins est désigné par le Conseil
départemental pour chaque canton, en vue de surveiller
des écoles laïques et privées pré-désignées, pour
tout ce qui concerne les locaux, le matériel,
lhygiène et la tenue, à lexclusion de toute
intervention dans lenseignement. La fonction dure
trois années, elle est gratuite et reconductible mais
révocable, et conduit à la production de rapports. En
dehors de sassurer que les enfants bénéficient de
bonnes conditions de vie et de travail scolaires, la
fonction est également politique en ce sens quelle
a aussi pour but lenracinement de lesprit
républicain au sein de la nation. 50 « Léonore »,
référence 25. 51 - « Hommage à Henri Gaudel (remise
de la croix de la Légion dhonneur par Fernand
Rousselot) », Le Pays lorrain, Nancy, 1933,
25e année, n° 5, p. 87, 89 et 91. 52 - Aujourd'hui respectivement chevalier
et officier des Palmes académiques. Il ny a alors
pas de grade plus élevé pour cette distinction. 53 « Léonore »,
référence 25. 54 - A propos du mot « républicain »
et du sens à lui donner selon les moments, on pourra
consulter louvrage du professeur F. Roth : La
Vie politique en Lorraine au XXe
siècle, Presses universitaires de Nancy/Editions
Serpenoise, Nancy/Metz, 1985, 173 p., passim. 55 - N. Coisel, « Gaudel Louis »,
Dictionnaire de biographie française, 1982, vol.
15, col. 697, n° 3. 56 - C.F., « Rucart (Marc Emile) »,
dans Yvert B. (sous la direction de), Dictionnaire des
ministres 1789-1999, Perrin, Paris, 1990, p. 604. 57 - Rothiot J.-P., « Rucart (Marc)
1893-1964 », dans : El Gammal J. (sous la
direction de), Dictionnaire des parlementaires
lorrains de la Troisième République, Editions
Serpenoise, Metz, 2006, p. 404-406. |
Le quartier des Trois-Maisons à Nancy, berceau de l'historien-écrivain Jean-Marie CUNY, fut le cadre d'un roman d'Henri GAUDEL : "Le Caïd des Trois-Bagnoles"